Que faire face à une épave maritime ?
« Il est loin le temps des navires échoués, coulés, attirés par les lumières des naufrageurs ou attaqués par des pirates pour ce qu’ils regorgeaient de valeur, réalités historiques autant que récits fantasmés de notre imaginaire »1.
Légendes et poèmes racontent que les habitants de la côte provoquaient des naufrages en allumant des feux afin de tromper les navires. Les marins croyant avoir trouvé l’entrée d’un port bienveillant se fracassaient contre la côte et les restes du naufrage étaient alors pillés par les riverains.
L’épave, autrefois perçue comme une source de richesse très convoitée, est aujourd’hui appréhendée comme une source de dangers.
L’activité de l’homme laisse des traces en mer et les épaves s’accumulent. Ces sombres archives polluent les océans et entravent la navigation.
L’épave s’oppose au navire par son inaptitude à affronter le risque de mer, pourtant il est nécessaire que le droit maritime s’intéresse à ce phénomène pour protéger la mer et ceux qui y naviguent.
Les épaves maritimes sont aujourd’hui définies à l’article L. 5142-1 du Code des transports maritimes selon ces termes : « L’état d’épave résulte de la non- flottabilité, de l’absence d’équipage à bord et de l’inexistence de mesures de garde et de manœuvre, sauf si cet état résulte d’un abandon volontaire en vue de soustraire frauduleusement le navire, l’engin flottant, les marchandises et cargaisons ou l’aéronef à la réglementation douanière ».
Le droit maritime prend-il efficacement en compte les épaves, objets de droit commun, aux fins de protéger l’environnement et la navigation ?
Plus de 1 800 épaves restent au large de nos côtes bretonnes, comment réagir en cas de rencontre avec l’une d’elles ?
Le droit maritime met à la charge de plusieurs acteurs la tâche de supprimer le caractère dangereux émanant de l’épave.
I) Le sauvetage des épaves maritimes : l’obligation d’agir
En droit interne, l’article R. 5142-1 du Code des transports codifie l’obligation de sauvetage des épaves maritimes. Cette obligation concerne toutes les personnes découvrant une épave.
Elles sont tenues «dans la mesure du possible, de la mettre en sûreté, notamment en la plaçant hors des atteintes de la mer ».
Cette obligation, reprise de l’article 2 du décret du 26 décembre 1961, s’accompagne d’une obligation de déclaration de la découverte. Celle-ci doit intervenir dans « les quarante- huit heures de la découverte ou de l’arrivée au premier port si l’épave a été trouvée en mer» et se fait auprès du préfet ou de son représentant.
Elle a pour but de protéger les intérêts de sécurité du littoral, de la navigation et de l’environnement marin. De plus, ce régime a pour vocation de protéger la propriété. Il ne s’agit pas seulement de soustraire un danger menaçant la mer, mais également de soustraire cette chose des dangers que représente la mer afin que son propriétaire puisse la retrouver dans un état le moins dégradé possible.
Le système de droit des bris accordant une part, ou l’entière, propriété de l’épave à celui l’ayant découverte et mise en sûreté n’existe plus depuis les textes de 1961. Toutefois, il reste une exception où l’inventeur (celui qui découvre l’épave) pourra se voir attribuer la propriété de l’épave. L’article R. 5142-13 du Code des transports prévoit ainsi que le sauveteur peut se voir remettre, en propriété, l’épave si celle-ci est de faible valeur et que sa vente ne procurerait aucun produit net appréciable.
Par ailleurs, le sauveteur a du mettre en œuvre des moyens techniques, du temps et prendre quelques risques pour mettre l’épave dans un lieu sûr. Ces investissements peuvent rendre l’inventeur réticent et le mener à rester passif. Ainsi, le Code des transports prévoit une indemnisation du sauveteur. Cette indemnité est conditionnée par le respect du sauveteur de ses obligations de déclaration précédemment évoquées.
Il est prévu que le propriétaire de l’épave et le sauveteur puissent s’entendre sur le montant de la « rémunération ». En cas de désaccord, le litige sera tranché par le tribunal de commerce du lieu où l’épave a été trouvée, ou celui du lieu où elle a été amenée.
Dans le cas où le propriétaire n’aurait pas réclamé son bien dans les délais impartis, il revient au préfet de fixer la rémunération. L’article R. 5142-17 du Code des transports détermine les critères devant être pris en compte pour le calcul de l’indemnité du sauveteur. Ainsi sont pris en considération : les frais exposés, y compris la rémunération du travail accompli ; l’habileté déployée, le risque couru et l’importance du matériel de sauvetage utilisé ; puis la valeur en l’état de l’épave sauvée. Si la somme fixée par le préfet est contestée, le montant de celle-ci sera fixé par le tribunal de commerce.
Toutefois, au-delà de ce régime incitatif, certains sanctions sont prévus face à un comportement passif (II).
II) Sanction en cas d’inertie de l’inventeur
Au-delà de répondre au besoin du sauveteur de rentrer dans ses frais, le droit maritime a prévu des sanctions en cas d’inertie.
Le régime se veut dissuasif, en plus d’être incitatif au sauvetage. Ainsi, si l’inventeur s’abstient de déclarer l’épave trouvée, il perdra dans un premier temps droit à l’indemnité de sauvetage.
De plus, le sauveteur pourra être puni sur le terrain du droit pénal et pourra se voir attribuer une amende prévue pour les contraventions de 4ème ou de 5ème classe. L’article L. 5142-8 du Code des transports qualifie d’abus de confiance ou encore de recel, le détournement, la tentative de détournement d’une épave maritime. Cette qualification peut être sévère et démontre que l’épave est toujours dans le patrimoine de son propriétaire. L’abus de confiance consiste en ce qu’une personne, a qui une chose est confiée, garde cette chose. La peine prévue est de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende (Article 314-1 du code Pénal).
Cependant, il est des cas où l’inventeur est autorisé à ne pas porter secours à l’épave sans encourir de sanction. Il n’est pas tenu de mettre l’épave en sûreté lorsque celle-ci présente un danger qu’il ne peut maitriser. L’inventeur doit, au contraire, s’abstenir de toute intervention et doit signaler l’épave au préfet . La gestion du caractère dangereux de l’épave revient alors en priorité au propriétaire de celle-ci.
La déclaration des épaves maritimes, permettant d’alimenter la base de données géographiques, représente un fort enjeu écologique, de sécurité de navigation tant pour les plaisanciers que pour les professionnels de la mer.
1.Association Legisplaisance, « Epaves maritimes et déconstruction des navires de plaisance », Fiche juridique n°44 ;