La SCIC, un outil de la réindustrialisation durable des territoires
Territoires, coopération et durabilité
Le cadre juridique de la SCIC vient de nouveau d’évoluer avec l’adoption de la loi ESS le 31 juillet 2014. La présentation de certaines de ces modifications est l’occasion d’une réflexion sur les perspectives qu’offrent le statut de la SCIC à l’heure actuelle, les opportunités étant réelles pour en faire un outil d’une ré-industrialisation durable des territoires.
Selon les termes de la loi du 17 juillet 2001, la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) a pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif, qui présentent un caractère d’utilité sociale ». La SCIC suppose le développement d’un multisociétariat, impliquant toutes les personnes qui gravitent autour de l’intérêt collectif qu’elle porte. Sa gouvernance s’organise sur la base du principe démocratique 1 homme / 1 voix, principe fréquemment aménagé par la pondération des votes au sein de collèges d’acteurs. Sur le plan financier, 57,5% au moins des bénéfices sont affectés aux réserves impartageables, et donc réinjectés dans le projet. Entre société commerciale et coopérative, la SCIC présente donc une originalité réelle.
Certaines dispositions de la loi ESS, récemment adoptée par le Parlement, concernent directement la SCIC et cherchent à apporter plus de maturité à ce statut. L’augmentation de la part de capital que peuvent détenir les collectivités locales (passage de 20% à 50%) est ainsi adaptée aux projets nécessitant une forte impulsion publique dans leurs premières années. Par ailleurs, l’opportunité de constituer une SCIC sous le statut de SAS apporte plus de souplesse dans la définition de la gouvernance de la société, assurant une plus grande adaptation aux spécificités de chaque projet.
Ces évolutions récentes remettent la SCIC sur le devant de la scène, et doivent permettre son utilisation dans de nouveaux domaines, en cohérence avec son cadre juridique et sa vocation. C’est par exemple le cas dans les domaines de l’eau, de l’énergie et des déchets, la gestion de ces trois flux participant naturellement à structurer les territoires. Plus de 10 ans après sa mise en place, la SCIC pourrait trouver un nouvel essort dans la gestion de services publics locaux trop souvent réduits à une dichotomie délégation de service public / gestion en régie.
Le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) a d’ailleurs reconnu dans son avis relatif à la Transition vers une industrie économe en matières premières que les SCIC ont une légitimité à structurer des projets relevant de l’écologie industrielle, faisant partie intégrante de ces « nouvelles formes de coopération » :
« La réussite de ces démarches repose sur la capacité de mobilisation, d’échange et de collaboration des acteurs locaux, qu’il s’agisse des entreprises ou des acteurs du développement territorial. L’engagement de ces derniers s’inscrit dans une dynamique de développement local avec une volonté de restructurer le tissu économique à travers notamment des complémentarités entre les activités, une recherche de cohérence locale des filières, une rationalisation des circuits et des infrastructures logistiques, une valorisation des ressources et un ancrage territorial des activités. […]
Ces initiatives sont souvent pilotées par les collectivités locales qui, selon les cas, jouent un rôle d’initiateur, de facilitateur, d’acteur voire de stratège et sont amenées à susciter de nouvelles formes de coopération à travers des partenariats public/privé, sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCiC), clusters, sociétés publiques locales, associations et clubs d’entreprise ».
Sur le plan des marchés publics, si la SCIC ne bénéficie pas d’un droit de préférence par rapport aux autres sociétés, elle pourrait être rattachée au « caractère innovant » envisagé par le code des marchés publics, au titre de l’innovation sociale dont elle est naturelle porteuse en termes de gouvernance.
En conséquence, les dispositions de la loi ESS offrent l’opportunité de donner un troisième souffle à la SCIC, après la suppression de l’agrément préfectoral en mars 2012. Ce statut pourra alors devenir le support de projets ancrés dans leurs territoires, et fondés sur une logique de coopération entre les différents acteurs d’une même filière. La naissance de la SCIC dans le champ des sociétés coopératives et son rattachement fréquent à la notion d’économie sociale et solidaire ne doivent pas occulter le fait que cette société a vocation à s’épanouir pleinement dans des secteurs industriels en pleine mutation à l’heure de la transition énergétique et environnementale. Les entreprises et collectivités qui sauront intégrer cette dynamique profonde participeront à ramener l’économie réelle vers des valeurs de proximité et d’investissement sur le long terme, conditions sine qua non d’une réindustrialisation durable des territoires.