Garantie des vices cachés : attention aux délais de prescription
La garantie des vices cachés est un régime juridique bien connu des justiciables.
Pourtant, ce régime est plus complexe qu’il n’y paraît.
Hormis les nombreuses et exigeantes conditions à satisfaire pour entrer dans le champ de la garantie de l’article 1641 du Code civil, les délais de prescription encadrant la garantie sont également à prendre soigneusement en compte.
D’une part plusieurs délais de prescription sont à considérer dans ce régime (I). D’autre part, la jurisprudence et la crise sanitaire actuelle viennent ajouter des délai particuliers (II).
I- Les délais de prescription encadrant la garantie des vices cachés
1°) Le « bref délai » s’appliquant à la garantie
Le premier délai s’appliquant à ce régime est celui de l’article 1648 du Code civil qui dispose que :
« L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ».
Ce délai est plus avantageux que celui de l’action en garantie légale de conformité prévue par le droit de la consommation courant à compter de la délivrance du bien.
Dans le cas de la garantie des vices cachés, le plus souvent, la date de la découverte du vice sera fixée à la communication du rapport de l’Expert déterminant l’origine et l’ampleur du vice.
2°) Le bref délai enfermé dans le délai de droit commun
En plus d’être attentif au délai très court de deux ans, il s’agit de prêter attention au second délai s’appliquant à la garantie.
La Cour de cassation rappelle régulièrement que l’action en garantie des vices cachés est enfermée dans le délai de droit commun de cinq ans à compter de la vente (Cass. com., 16 janvier 2019, n° 17-21.477).
Ce régime a le mérite de permettre au vendeur de ne pas être indéfiniment tenu au titre de la garantie des vices cachés, qui reste extrêmement favorable à l’acquéreur.
II – Les délais particuliers à prendre en considération
1°) L’application de l’article 2232 du Code civil à la garantie des vices cachés dans le temps
L’article 2232 du Code civil dispose :
« Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.
Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ».
Dans un souci de sécurité et de prévisibilité juridique, le législateur a compensé ce point de départ de prescription « glissant » en fixant l’exercice du droit dans un délai de vingt ans.
La Cour de cassation dans un arrêt du 1er octobre dernier considère que ce délai butoir n’est pas applicable à une situation où le droit est né avant l’entrée en vigueur la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile [1].
En l’espèce, un immeuble a été vendu successivement :
- La première acquisition a lieu en 1970 par Mme X ;
- Une première vente s’exécute entre Mme X et Mme Y le 19 mai 1990 ;
- La seconde est intervenue le 21 mai 2010 entre Mme Y et Mme Z.
Mme Z, dernière acquéreuse, se plaint de désordres et sollicite des mesures d’expertise judiciaire. L’Expert rend son rapport en exposant l’origine des désordres.
Forte de ces éléments, elle assigne les deux venderesses successives en garantie des vices cachés.
Après un arrêt d’appel considérant l’action comme prescrite, l’affaire est portée jusque devant la Cour de Cassation.
Si le délai de l’article 2232 du Code civil court bien à compter du contrat de vente de 1970 qui est celui marquant « la naissance du droit », la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel.
En l’absence de dispositions transitoires qui lui soient applicables, le délai butoir, créé par la loi du 17 juin 2008, relève, pour son application dans le temps, du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle.
La Cour de cassation considère donc que le délai de l’article 2232 du Code civil n’est pas applicable à une situation où le droit est né avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.
Ainsi, même si l’action a été engagée plus de 20 ans après la signature du contrat de vente ayant donné naissance au droit à garantie du dernier acquéreur, le délai butoir ne protège pas les vendeurs antérieurement à cette loi et l’action n’est pas prescrite.
Outre ces délais de prescription prévus par le Code civil, la crise sanitaire actuelle vient ajouter des exceptions et prorogation de délais du fait de la fermeture des Tribunaux durant cette période exceptionnelle.
2°) Le contexte de crise sanitaire modifiant les délais de prescription
L’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période s’applique aux délais et mesures qui ont expiré entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020
L’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 a un champ d’application très large et prévoit une prorogation des délais :
« … l’acte qui aurait dû être accompli pendant la période de confinement est réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période (fin de la période juridiquement protégée), le délai légalement imparti pour agir, dans la limite d’un délai de deux mois ».
Ainsi, les prescriptions acquises durant ladite période ne le sont donc pas jusqu’au 24 août 2020.
Le premier réflexe du juriste est de vérifier les délais de prescription s’appliquant à son affaire.
Concernant la garantie des vices cachés et surtout en cette période, il s’agit de rester particulièrement vigilant.
[1] Cour de cassation, 3e chambre civile, 1er Octobre 2020 ; Numéro de pourvoi : 19-16.986 ;