La loi EGALIM 2: l’échec des ambitions de la loi EGALIM 1
La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, a suscité un espoir immense dans le monde agricole car elle était censée régler le problème du revenu des agriculteurs et rééquilibrer les relations entre les distributeurs – fournisseurs et le monde agricole.
Cet espoir a été vite déçu car cette loi a débouché en réalité sur un gros malentendu. En effet, elle se traduit par de l’inflation pour le consommateur qui ne se répercute pas dans la rémunération des agriculteurs. La loi a cependant profité à certains distributeurs qui ont pu reconstituer un peu de marge. Ce sont surtout les grandes marques qui sont sorties victorieuses d’une « guerre des prix » face aux petites entreprises et aux coopératives agricoles.
EGALIM 2 : la correction des effets d’EGALIM 1
C’est ainsi que, trois ans plus tard, la loi nº 2021-1357 du 18 octobre 2021, dite EGALIM 2, a été adoptée et publiée au journal officiel le 19 octobre 2021. L’objectif premier du dispositif, outre le fait de venir corriger la loi EGALIM 1, était d’assurer une meilleure prise en compte des coûts de production supportés par les agriculteurs et celui des matières premières composant le produit alimentaire.
Désormais:
- En amont de la chaîne, la relation entre le producteur et son premier acheteur doit faire l’objet d’un contrat écrit, désormais obligatoire (C. rur., art. L. 631-24, I), qui constitue le « socle de la négociation entre les parties ».
Ce contrat est conclu pour une durée de 3 ans minimum, afin de favoriser l’inversion de la construction du prix et doit comporter obligatoirement certaines clauses (en particulier, une clause de révision automatique des prix appuyée sur les catégories d’indicateurs relatifs, notamment, aux « coûts pertinents de production en agriculture », dont l’usage avait été rendu obligatoire par la loi EGALIM 1).
Une telle clause doit permettre à l’agriculteur de répercuter sur les prix de vente une partie de la hausse éventuelle de ses coûts, tandis que les clauses d’alignement automatique sur les prix des concurrents sont proscrites.
En revanche, les parties pourront convenir de bornes minimales et maximales à l’intérieur desquelles le prix convenu pourra varier. En cas de litige sur la conclusion ou l’exécution des contrats et d’échec de la médiation commerciale agricole (créée par la loi EGALIM 1), le nouveau Comité de règlement des différends commerciaux agricoles devra être saisi avant un éventuel recours au juge (C. rur., art. L. 631-28).
- En aval, le législateur a déployé un panel de règles afin de « sanctuariser », lors des négociations commerciales avec la grande distribution, la part des matières premières agricoles qui composent les produits alimentaires. Cette part n’est plus négociable afin que l’agriculteur ne soit plus la victime collatérale de la « guerre des prix » entre l’industriel et le distributeur (C. com., art. L. 443-8).
Le fournisseur devra ainsi afficher dans ses conditions générales de vente la part des matières premières agricoles qui entrent dans la composition de ses produits (C. com., art. L. 441-1-1).
L’articulation entre l’amont et l’aval repose aussi sur la convention écrite entre le fournisseur et son acheteur. Elle devra comporter une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole (C. com., art. L. 443-8, IV).
Si ce coût augmente en amont et que la clause entre l’agriculteur et son acheteur est activée, elle devrait l’être aussi en aval entre l’industriel et le distributeur.
Par ailleurs, les contrats doivent comporter une clause générale relative aux modalités de la renégociation en cas de fluctuation des prix de l’énergie, du transport et de l’emballage (C. com., art. L. 441-8).
L’impact futur de la réforme d’EGALIM 2
Il est à craindre que les remèdes proposés ne butent à nouveau sur les mêmes maux:
- Tout d’abord, ne sont concernés que les produits livrés sur le territoire français, alors que certaines centrales d’achats installent leur siège à l’étranger pour s’en affranchir.
- Ensuite, renverser le point de départ d’une négociation et assortir le contrat de clauses de renégociation automatique ne garantira pas automatiquement des contrats équilibrés avec une juste répartition de la valeur. A fortiori si la clause de révision automatique du prix est « librement déterminée par les parties » (C. rur., art. L. 631-24, III).
Ainsi, si le rapport de force reste inchangé, les pratiques ont peu de chance d’évoluer.
Le constat est le même au sujet des indicateurs liés aux coûts de production qui sont devenus des éléments clés des négociations : leur définition est confiée aux interprofessions qui, dans chaque filière, rassemblent producteurs, transformateurs et distributeurs.
La loi de 2018 ayant fait disparaître la référence à des indicateurs reflétant « la diversité des conditions et des systèmes de production », l’impact bénéfique de cette réforme reste à démontrer; quid des écarts entre les grandes exploitations intensives et des petites structures familiales ?
Si l’ambition du législateur est de préserver les intérêts des différents acteurs de la chaîne agricole et agro-alimentaire, la réalité montre que sa mise en œuvre est complexe.