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10 mai 2021 - Aurélie Desbordes

La question de la date de la réception tacite des travaux dans les contrats d’entreprise, en cas de paiement par chèque.


La réception des travaux est définie à l’article 1792-6 du code civil comme étant « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. »

En d’autres termes, la réception se définit comme un acte juridique unilatéral par lequel le maître de l’ouvrage approuve les travaux accomplis par l’entrepreneur, reconnaît la conformité de l’ouvrage réalisé à celui commandé et déclare l’accepter, avec ou sans réserves.

La réception constitue une étape importante car elle fait courir les délais de garanties légales (garantie de parfait achèvement et garantie décennale). La détermination de sa date est donc essentielle.

La réception s’opère le plus souvent de manière expresse au moment de la livraison de l’ouvrage. Mais elle peut également être tacite à la condition toutefois de caractériser la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de réceptionner ledit ouvrage (Civ. 3e, 12 oct. 1988, n° 87-11.174 / Civ. 3e, 3 mai 1990, n° 88-19.301).

La Cour de cassation a tendance à retenir deux critères cumulatifs pour caractériser cette notion de volonté non équivoque:

  • la prise de possession de l’ouvrage par le maitre d’ouvrage.
  • le paiement intégral des travaux.

(voir Civ. 3e, 6 mai 2015, n° 13-24.947 / Civ. 3e, 30 sept. 1998, n° 96-17.014).

Dès lors, il appartient au juge pour déterminer s’il y a eu réception tacite, de rechercher l’existence d’une volonté non équivoque du maître d’accepter l’ouvrage et d’en préciser la date.

Dans un arrêt du 1er avril 2021 (Civ. 3e, 1er avr. 2021, n° 19-25.563), la Cour de cassation fixe la réception tacite de l’ouvrage à la date d’encaissement du chèque émis par le maître d’ouvrage

 

  • Les faits.

Un maître d’ouvrage fait appel à un entrepreneur pour réaliser des travaux d’étanchéité sur une toiture. Des infiltrations apparaissent. Une expertise a lieu et le maître d’ouvrage assigne l’entrepreneur et son assureur décennal en responsabilité. Il modifie en cours d’instance ses prétentions et invoque la responsabilité décennale de l’entrepreneur mis en liquidation judiciaire.

 

  • La procédure.

La cour d’appel rejette les demandes du maitre d’ouvrage dans la mesure où il n’apporte pas la preuve que la réception des travaux est bien antérieure à l’apparition des désordres. Pour ce faire, elle fixe la date de réception  à la date d’encaissement du chèque remis en paiement du solde de ces travaux soit le 23 octobre 2006.

Le maître d’ouvrage forme un pourvoi en contestant la date de réception retenue par la Cour. Selon son argumentation, la date de réception doit être fixée à la date d’émission du chèque, soit le 13 juillet 2006.

Dès lors, en cas de paiement des travaux par chèque, quelle date retenir pour fixer leur réception: la date d’émission du chèque ? Celle de sa remise effective à l’entreprise ? La date d’encaissement ?

 

  • La décision de la Cour de Cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et indique que la réception doit se situer à « la date de l’émission du chèque c’est-à-dire la date à laquelle le tireur s’en est irrévocablement séparé, notamment en le remettant au bénéficiaire ou en l’envoyant par la poste, date qu’il lui incombe de prouver ».

En l’espèce, le maitre d’ouvrage ne produit aucun élément de preuve permettant de dater précisément la date de remise du chèque au bénéficiaire. La Cour de cassation retient donc comme date de règlement, celle de l’encaissement du chèque, soit le 23 octobre 2006. C’est donc à cette date qu’a eu lieu la réception tacite de l’ouvrage.

La garantie de l’assureur décennal est alors écartée dans la mesure où les désordres sont apparus avant la réception tacite de l’ouvrage.

 

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AUTEUR

Aurélie Desbordes

Avocate associée

Passer du conflit au dialogue.

« Il est plus facile de faire la guerre que la paix. » Georges Clemenceau (1841 - 1929)

Aurélie Desbordes a créé son propre cabinet et y a pratiqué tous types de contentieux avant de rejoindre l’équipe. Cette expérience l’a convaincue qu’aucune partie ne sortait jamais indemne d’une procédure judiciaire, gagnante ou perdante. Certifiée praticienne du Droit collaboratif, elle démontre tous les jours aux clients, ainsi qu’à leurs adversaires, qu’il est possible de résoudre un différend ensemble, tout en préservant les relations d’affaires : conserver un partenaire vaut mieux que gagner un ennemi.

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