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10 février 2021 - Aurélie Desbordes

Le droit collaboratif : un outil au service des entrepreneurs en cas de conflit.


Il y a quelques temps, nous avons publié un article sur la médiation, mode amiable de règlement d’un litige et alternatif au juge.

Il existe d’autres modes amiables dont le processus collaboratif particulièrement efficace puisque d’après les statistiques de l’AFPDC (Association Française des Praticiens du Droit Collaboratif)[1], le taux de réussite est de 98% en terme de conflits résolus.

 

  • Qu’est-ce que le processus collaboratif ?

 

Le processus collaboratif est donc un mode de règlement amiable d’un différend qui se fonde sur un engagement contractuel des parties et de leurs avocats, ces derniers ayant été préalablement formés et certifiés « praticiens en droit collaboratif ».

Le processus tend à aboutir à une solution pérenne reposant sur la satisfaction des intérêts mutuels, en toute transparence et en recourant à la méthode de la négociation raisonnée.

Les parties ne sont plus considérées comme adversaires mais comme partenaires. Les avocats sont amenés à déployer leur expertise au profit de la résolution du conflit et non plus « dans le fait de le nourrir ».

Les principes essentiels du processus sont les suivants :

  • Travail en équipe des parties et de leurs avocats respectifs pour tendre vers un objectif commun : la résolution du litige.
  • Le juge n’intervient pas sauf éventuellement pour homologuer l’accord.
  • Toutes les informations nécessaires pour aboutir à la résolution du conflit sont communiquées => exigence de transparence.
  • Toutes ces informations et documents communiqués sont strictement confidentiels : en cas d’échec du processus, ils ne pourront pas être évoqués devant le tribunal => confidentialité renforcée.
  • Les avocats s’engagent à se retirer du dossier en cas d’échec du processus, ce qui « motive » d’autant plus les parties à trouver un accord mutuel satisfaisant.

 

  • L’intérêt du processus collaboratif en droit des affaires

 

Dans le monde des affaires, dès qu’un contentieux naît entre deux partenaires (factures impayées, litige entre associés ou avec un fournisseur…), la situation peut rapidement s’envenimer jusqu’à ce que le tribunal soit saisi in fine.

Le processus collaboratif permet de trouver un accord pérenne, « gagnant-gagnant » entre deux parties ayant un intérêt commun à trouver une issue amiable à leur différend :

  • Préserver l’existence d’un actif commun : une société ou une relation contractuelle indispensable à la survie de leur activité
  • Maintenir des relations commerciales pérennes pour les besoins de leur société….

 

C’est bien l’existence d’un intérêt commun et non la gravité du litige qui conditionne le recours au processus collaboratif.

 

  • Comment s’organise un processus collaboratif ?

 

Il est important que chacune des parties comprenne et adhère au principe du processus. Pour cela, le recours à des avocats spécifiquement formés est impératif.

Un premier rendez-vous « test » doit ainsi être organisé à quatre afin que les avocats s’assurent qu’un dialogue est raisonnablement possible entre leur client respectif. Si ce rendez-vous est concluant, un contrat de processus collaboratif fixant le cadre juridique dudit processus est signé. Cette convention a pour objet de formaliser l’engagement des parties et de leurs avocats de tenter de résoudre le conflit par le biais du processus collaboratif et d’en respecter les principes directeurs énoncés ci-dessus.

Dans cette convention, les parties s’interdisent mutuellement de saisir un juge le temps du processus. A noter qu’il est tout à fait possible de prévoir une clause de suspension ou d’interruption conventionnelle du délai de prescription dans cette convention notamment pour certains contentieux soumis à des brefs délais. Les parties ne seront donc pas « pressées par le temps » pour tenter de trouver une solution amiable.

Des outils essentiels au succès d’une bonne négociation sont utilisés tels que l’écoute active et la reformulation (« écouter pour comprendre et non pour réfuter ») mais également la technique de la négociation raisonnée (« se concentrer sur les objectifs = pourquoi je le veux et non sur les positions = je veux »)[2].

L’un des exemples les plus connus pour évoquer la négociation raisonnée est celui de l’orange : deux personnes veulent toutes les deux le fruit mais pour deux raisons différentes. L’une a soif et veut boire le jus, l’autre veut faire un gâteau et a besoin du zeste uniquement. Il y a donc deux besoins différents mais il est possible d’y répondre aux deux à 100% avec un même fruit. C’est le bénéfice mutuel[3].

Plusieurs rendez-vous vont donc se succéder en respectant des étapes. Chaque rendez-vous sera préparé en amont et « débriefer » ensuite entre chacune des parties et son avocat[4].

  • Etape du récit / narration : les parties exposent leur point de vue et ressentis respectifs dans le respect mutuel. Les avocats par le biais de la reformulation croisée, s’assurent de la bonne compréhension par tous du litige dans sa globalité et de la bonne compréhension par chacune des parties de la vision de l’autre. C’est l’étape du « recueil des émotions ».
  • Recherche des intérêts / besoins / préoccupations / valeurs / moteurs silencieux de chacune des parties. Le but est de dépasser les positions antagonistes de chacune des parties pour identifier leur réel besoin.
  • L’objectivisation : poser les éléments objectifs pour permettre aux avocats d’apporter leur analyse factuelle et juridique de la situation. Il est possible de recourir à l’intervention d’un tiers comme un expert ou un sachant nommé conjointement par les parties, dont le but est d’apporter un éclairage sur certains points comme par exemple, l’évaluation de parts sociales dans le cadre d’un conflit entre associés.
  • Recherche commune des options possibles et imaginables afin de solutionner le différend. Toutes les solutions peuvent être envisagées librement sous forme de « remue-méninge ». Cela permet aux parties d’envisager des solutions originales qui n’étaient même pas pensables au début du processus.
  • Les offres : chacune des parties propose des options de règlement global préalablement réfléchies avec leur avocat respectif à l’autre. Ces options ou offres doivent pouvoir répondre aux besoins mutuels des deux parties. C’est à ce moment que ces dernières réalisent que les offres alors proposées de part et d’autre sont souvent similaires voire identiques donc mutuellement acceptables.
  • Signature du protocole d’accord mettant un terme au différend (et au processus). Ce protocole peut faire l’objet d’une homologation par le juge.

 

Pour conclure, le processus collaboratif est un mode amiable de règlement d’un conflit dont l’efficacité est établie, avec une technique de négociation pertinente et reconnue. Ce processus peut tout à fait s’inscrire en amont d’un conflit ou lors de la conclusion d’un contrat. Ainsi lors de la rédaction d’un contrat, il est possible d’insérer une clause prévoyant le recours à un processus collaboratif si un différend venait à naitre entre les parties.

 

 

 

 

 

 

 

[1] https://www.droit-collaboratif.org/

[2] C. BOURGHES « Fonctionnement du droit collaboratif : la négociation raisonnée et l’écoute active » AFJ 2010.

[3] Voir les ouvrages des professeurs Roger Fisher et William Ury dont « comment réussir une négociation » SEUIL 2006.

[4] https://www.droit-collaboratif.org/processus-collaboratif-1

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AUTEUR

Aurélie Desbordes

Avocate associée

Passer du conflit au dialogue.

« Il est plus facile de faire la guerre que la paix. » Georges Clemenceau (1841 - 1929)

Aurélie Desbordes a créé son propre cabinet et y a pratiqué tous types de contentieux avant de rejoindre l’équipe. Cette expérience l’a convaincue qu’aucune partie ne sortait jamais indemne d’une procédure judiciaire, gagnante ou perdante. Certifiée praticienne du Droit collaboratif, elle démontre tous les jours aux clients, ainsi qu’à leurs adversaires, qu’il est possible de résoudre un différend ensemble, tout en préservant les relations d’affaires : conserver un partenaire vaut mieux que gagner un ennemi.

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